L'économie canadienne se déplace par camion ou, plus précisément, grâce aux femmes et aux hommes qui sont les camionneurs dévoués du Canada. Il y a un problème cependant : il y a beaucoup moins de camionneurs qu'auparavant – à un moment où notre économie en a plus besoin que jamais.
L'industrie canadienne du camionnage compte actuellement plus de 23 000 postes vacants de chauffeurs de camion, et ce trou devrait se creuser très bientôt - pour atteindre 55 000 postes vacants d'ici 2024. Bien qu'il existe de nombreux secteurs industriels qui ont besoin de main-d'œuvre qualifiée, le taux de postes vacants dans le transport par camion était beaucoup supérieur à celui de l'économie générale (8 % contre 5,4 %) et représente le deuxième taux de vacance le plus élevé de tous les secteurs de l'ensemble de l'économie. Cependant, avec un effet multiplicateur économique beaucoup plus important que la plupart des industries, les pressions qui pèsent sur la main-d'œuvre du camionnage actuelle pourraient bien être le plus grand joker sur la voie d'une reprise économique complète.
Lorsque l'on regarde la chaîne d'approvisionnement à un niveau macro, l'image est la même. Des données récentes relatives aux ratios camion-chargement montrent une diminution de 30 % à 45 % de la disponibilité des camions, d'une année à l'autre, tandis que les volumes de chargement ont parfois plus que triplé. En raison de ces deux facteurs, le nombre de camions disponibles par chargement est passé d'environ trois camions par chargement il y a un an à environ 0,5 à 0,7 camion par chargement aujourd'hui. En d'autres termes, près d'un chargement de fret disponible sur deux n'a pas de camion (chauffeur) pour le transport. Que deviennent ces charges ? Eh bien, naturellement, elles restent en dormance – jusqu'à ce qu'un chauffeur se libère ; mais conséquemment, une autre charge de la chaîne d'approvisionnement devra rester sur un quai et ne pas être livrée, etc.
Cette immense pression sur la chaîne d'approvisionnement se reflète dans une litanie de nouvelles récentes et de rapports gouvernementaux. Par exemple, dans la plus récente Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada pour le premier trimestre de 2022, la toute première ligne du rapport se lit comme suit : « … les contraintes de capacité liées à la main-d'œuvre et les défis de la chaîne d'approvisionnement restent répandus. » Le rapport poursuit en détaillant les nombreuses entreprises qui signalent que les pressions sur les capacités liées aux défis de la main-d'œuvre ou de la chaîne d'approvisionnement atteignent un niveau record. Pendant ce temps, de nombreux secteurs de l'industrie - les fabricants de pièces automobiles, les grands épiciers et les agriculteurs agricoles, parmi eux - ont déclaré publiquement aux comités gouvernementaux que la pénurie de chauffeurs de camion n'est pas un défi relégué à l'industrie du camionnage, mais plutôt une situation difficile qui se répercute dans toute l'économie. Les conséquences pour de nombreuses entreprises qui dépendent de services de transport cohérents et d'une livraison juste à temps comprennent des augmentations de coûts importantes pouvant atteindre 30 %, des goulots d'étranglement des stocks, des interruptions de fabrication et des risques pour la sécurité alimentaire nationale.
Au début 2022, le mandat international de vaccination transfrontalière au Canada et aux États-Unis au début a certainement exacerbé quelque peu la pénurie, mais a également modifié l'équilibre entre la capacité internationale et nationale. Notamment, un pourcentage de conducteurs qui ont quitté les voies de fret entre le Canada et les États-Unis en raison du mandat de vaccination à la frontière opèrent désormais sur le marché intérieur. Par conséquent, l'impact économique et opérationnel d'un éventuel mandat national de vaccination sera nettement plus important que l'effet de la politique transfrontalière, car les conducteurs qui ont changé seront désormais contraints de quitter complètement le secteur sous réglementation fédérale. Bien qu'il ne soit pas clair si le gouvernement fédéral procédera à un mandat national de vaccination pour les entreprises de camionnage, il existe encore plusieurs autres politiques et réformes du code du travail actuellement envisagées qui auront des impacts et une pression similaire sur l'industrie et la chaîne d'approvisionnement.
Ce qui est indéniable, c'est que les problèmes de pénurie de chauffeurs sont au cœur des préoccupations partout au Canada, non seulement pour l'industrie du camionnage, mais pour tous les types d'entreprises interreliées à la chaîne d'approvisionnement. Entre-temps, les coûts et les conséquences de ces contraintes d'approvisionnement qui se sont répercutés sur le secteur du commerce de détail ne sont pas passés inaperçus auprès des Canadiens. Selon Nanos Research, 83 % des Canadiens ont indiqué un certain niveau d'inquiétude quant à la difficulté d'obtenir des marchandises parce que la chaîne d'approvisionnement est sous tension. Et c'était au début de l'hiver dernier – avant tout mandat et bien avant le pire de la pénurie de chauffeurs. La préoccupation des Canadiens était constante dans tout le pays et la plus élevée dans les Prairies à (88,2 %), où le secteur agricole joue un rôle essentiel. L’ACC s'est associée à Nanos Research pour mettre à jour bon nombre de ces résultats en mai 2022.
Alors que les décisions gouvernementales et l'orientation politique joueront un rôle majeur dans l'atténuation de la pénurie au cours de ces années critiques qui nous attendent, l'industrie doit également faire sa part. Les chefs de file de l'industrie ont travaillé dur pour moderniser la profession, augmenter les investissements dans le soutien des ressources humaines et l'infrastructure, et offrir des salaires et des avantages concurrentiels avec d'autres secteurs connexes. Afin de mettre en valeur bon nombre de ces qualités et opportunités ainsi que de mettre en valeur certaines des personnes extraordinaires qui font la grandeur de notre industrie, l'ACC et des dizaines de partenaires de l'industrie ont récemment lancé la plus grande campagne de relations publiques sur les médias sociaux de l'histoire de notre industrie. La campagne – qui s'adresse aux jeunes alors qu'ils s'engagent dans de nouvelles carrières – consiste en des messages inspirants et ambitieux tout en soulignant les opportunités et les innovations dans l'ensemble de l'industrie.
Il est cependant indéniable que si l'on souhaite attirer et retenir des camionneurs professionnels, tant au Canada qu'à l'extérieur de nos frontières, il faut d'abord être en mesure de les identifier et de les développer. La formation est donc primordiale. La formation nationale obligatoire au niveau d'entrée, qui a ajouté une nouvelle couche de professionnalisme et amélioré la sécurité routière pour les camionneurs et le public, était un bon début. Mais il reste encore beaucoup à faire.
De nombreuses provinces ont commencé à se pencher sérieusement sur la relation entre la formation et la pénurie de chauffeurs/la fragilité de la chaîne d'approvisionnement. Félicitations à l'Alberta qui, en mars 2022, a annoncé qu'elle investirait 30 millions de dollars sur trois ans dans des efforts visant à soutenir la formation des conducteurs de camion.
L’ACC, quant à elle, aimerait voir des programmes similaires reproduits partout au Canada. L'Alliance a soumis plusieurs recommandations au gouvernement fédéral pour aider l'industrie du camionnage à répondre aux exigences de la chaîne d'approvisionnement.
Inclus dans ces recommandations :
- Le gouvernement du Canada devrait approuver la proposition de RH Camionnage Canada au Programme de solutions sectorielles en main-d'œuvre (SWSP). Cette proposition met l'accent sur un soutien à court terme pour aider à surmonter les obstacles auxquels se heurtent les nouveaux arrivants dans l'industrie du camionnage ;
- L’ACC aimerait voir un nouveau soutien au financement de la formation largement disponible et à long terme établi pour le camionnage, comme des subventions-subventions pour couvrir les coûts de formation de niveau d'entrée ;
- Un programme institutionnalisé de subventions salariales pour soutenir l'intégration/la formation des nouveaux arrivants dans l'industrie. Cela est nécessaire pour soutenir la formation en cours d'emploi après l'obtention du permis;
- L’ACC aimerait que le processus de demande du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) soit rationalisé, qu'un programme reconnu d'employeur de confiance soit finalisé et qu'un cheminement transparent vers la résidence permanente soit créé pour notre secteur ;
- Établir des crédits d'impôt à la formation pour les transporteurs afin de soutenir les investissements dans leurs programmes de formation et l'intégration de nouveaux conducteurs ;
- Établir une campagne nationale d'application de la loi Chauffeur Inc. pour s'assurer que les conducteurs actuels ne travaillent pas dans l'économie clandestine et que leurs droits soient protégés ;
- Établir un programme fédéral-provincial d'infrastructure d'aires de repos pour camions lourds afin de soutenir nos chauffeurs commerciaux.
Alors que la COVID-19 a sûrement joué un rôle perturbateur, la pénurie de chauffeurs n'est pas une crise des circonstances récentes. Contrairement à ce que certains dans l'industrie ont tendance à dire chaque fois que ce sujet fait l'actualité, la pénurie de chauffeurs n'est pas un mythe. Nous n'avons pas assez de chauffeurs, point final. Malgré ce que certains croient, les camionneurs professionnels et soucieux de la sécurité ne vont pas immédiatement inonder notre industrie et y rester pendant les 30 prochaines années si nous trouvons une baguette magique. Les défis sous-jacents ont toujours été beaucoup plus profonds que les dollars. Mais c'est pourquoi nous sommes ici. Trouver ces solutions – que ce soit la formation professionnelle, l'accréditation des employeurs, la sécurité et la conformité du travail, le marketing, le modernisme, etc. – et les intégrer au système.
Si nous ne résolvons pas la pénurie de chauffeurs, une reprise économique complète n'est pas possible. La chaîne d'approvisionnement – et, à l'intérieur de celle-ci, pratiquement toutes les entreprises au Canada – dépend des camionneurs pour livrer les produits qui assurent la sécurité de toutes les entreprises et de la sécurité des Canadiens. Il est temps d'investir dans les camionneurs et de revenir à une économie canadienne forte et stable.
Traduction libre
Consultez l'éditorial original sur le site de l'Alliance canadienne du camionnage. (en anglais)